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La nuit tombe vite aux Antilles. Or, c’est
un réflexe presque conditionné chez les marins : dès l’heure du coucher du
soleil, il faut se rassembler en tribu et comme le faisait les anciens
autour du feu, se raconter de belles histoires riches d’enseignements. Le
visiteur non averti serait surpris de devoir recenser le nombre de départs
en vrac, de casses de matériel, de voiles déchirées. A croire que le
quotidien de ces marins s’est limité à ces instants intenses où la peur et
l’excitation se mélangent…
Records battus
Quoi qu’il en soit, cette Mini Transat îles de Guadeloupe sera celle de
bien des records. Record de vitesse tout d’abord. Jusqu’ici le plus rapide
sur un trajet équivalent avait été Sébastien Magnen en 1999, qui avait
rallié la Guadeloupe
depuis Concarneau en 24 jours et 15 heures. A titre de comparaison,
Frédéric Denis a parcouru les 4020 milles qui séparent Douarnenez de
Pointe-à-Pitre en 19 jours et 23 heures. Soit une moyenne de 8,40 nœuds sur
l’ensemble du parcours. Sébastien Magnen était crédité en 1999 d’une
vitesse de 6,80 nœuds et le plus rapide sur la Mini Transat
était jusqu’ici Yves Le Blévec qui avait rallié Salvador de Bahia depuis La Rochelle à la vitesse
moyenne de 7,55 nœuds.
Autre record battu, celui des 24 heures pour les bateaux de série. A bord
de son Ofcet, Novintiss,
Julien Pulvé a battu le précédent record de Xavier Macaire (272,6 milles)
en se rapprochant de la barre des 280 milles avec 278,7 milles. Soit une
moyenne de 11,6 nœuds de point à point. Dans ce domaine, il est évident que
l’apparition des Ofcet et des Pogo 3 marque une vraie rupture par rapport
aux anciens bateaux de série. Leurs carènes puissantes inspirées de la
démarche initiée par David Raison sur son Magnum en proto font merveille
dès que le vent monte. La belle résistance incarnée par Tanguy Le Turquais
(Terréal) sur son Argo ou
Edouard Golbery (Les Enfants du Canal)
sur son Pogo 2 ne doivent pas masquer qu’il sera de plus en plus compliqué
de faire un résultat si l’on ne dispose pas de ces nouveaux bateaux de
série aux épaules large et au nez camus.
Dernier chiffre significatif : seuls deux marins ont eu besoin d’une
assistance extérieure suite à une avarie, Gilles Avril dans la première
étape et Radek Kowalczyk dans la deuxième. Tous les autres marins ont réussi à rallier un port par leurs
propres moyens. A l’appel de détresse du navigateur polonais, Sébastien
Pébelier a immédiatement fait demi-tour, est reparti au près sur la position
de Calbud qui menaçait de
couler avant de rester aux côtés de son collègue le temps que d’autres
secours se mettent en place. Logiquement, le jury devrait lui accorder une
bonification en temps, à laquelle il prévoit de rajouter une heure pour la
spontanéité et la rapidité avec lesquelles le skipper de Mademoiselle Iodée a réagi.
Allo maman bobo
Mais la Mini Transat,
ce n’est pas qu’une affaire de performance. Pour traverser l’Atlantique à
ces vitesses sur un voilier de 6,50m, il faut aussi savoir en passer par un
inconfort permanent, une humidité persistante, des coups et blessures qui
heureusement sont souvent anodins, mais témoignent aussi de la rudesse des
conditions de vie à bord. Ainsi, les premières heures de la journée quand
le soleil est encore à l’est et qu’il tape directement sur l’arrière du
bateau. Dans ces conditions, il faut choisir entre Charybde et Scylla,
rester sur le pont avec le maximum de protections pour ne pas risquer
l’insolation ou partir se réfugier à l’ombre, dans un intérieur qui se
transforme rapidement en étuve. Les petites plaies tendent à s’infecter et
se creuser rapidement au contact de l’eau de mer, les mains des marins en
témoignent. Disposer d’un produit désinfectant et d’un cicatrisant fera
dorénavant partie de la pharmacie de plusieurs des solitaires qui en ont
fait l’expérience… sans compter le morceau de sparadrap que l’on peine à
ouvrir avec l’humidité et qui se replie sur lui-même avant qu’on ait pu
l’appliquer. Le cou, les poignets, les chevilles sont particulièrement
exposés aux irritations. Enfin, barrer assis dans l’humidité permanente
n’est pas la meilleure des thérapies pour conserver un fessier de bébé. Il
n’y a pas de solution idéale, même si des coussins adaptés permettent de
circonvenir en partie le mal. Mais nombre
de coureurs avouaient ne plus vraiment pouvoir s’asseoir par instants. La
meilleure des solutions étant encore de naviguer debout, nu comme un ver,
les deux mains accrochées au sommet du roof tout en confiant la barre au
pilote. Ces petites misères du quotidien peuvent paraître futiles au regard
des performances des marins, mais elles sont aussi un facteur
supplémentaire de fatigue, elles influent sur le moral du navigateur. Comment s’étonner
après ça qu’il faille passer par un sas de décompression avant de reprendre
une vie « normale » ? A Pointe-à-Pitre, les Ministes reprennent pied petit
à petit. Mardi prochain, Carl Chipotel invitera toute la communauté de la Mini Transat îles
de Guadeloupe, chez lui à Sainte-Anne pour une journée à la guadeloupéenne,
histoire de clore en beauté l’histoire commencée près de deux mois plus tôt
sur les quais du Port Rhu de Douarnenez.
Classement
général avant jury de la
Mini Transat Îles de Guadeloupe 2015
Bateaux prototypes - Classement
Eurovia Cegelec
1. Frédéric DENIS n°800 Nautipark arrivé en 19j 23h 19min 55s
2. Luke BERRY n°753 Association Rêves
arrivé en 20j 14h 04min 49s
3. Ludovic MECHIN n°667 Microvitae arrivé en 20j 15h 36min 16s
Bateaux de série - Classement Océan
Bio-Actif
1. Ian LIPINSKI n°866 Entreprise(s) Innovante(s) arrivé en 22j 09h 36min
30s
2. Julien
PULVE n°880 Novintiss arrivé en 22j 13h 09min 04s
3. Tanguy LE TURQUAIS n°835 Terreal arrivé en 23j 02h 45min 43s
Retrouvez les classements de la
deuxième étape ainsi que le classement général provisoire sur :
www.minitransat-ilesdeguadeloupe.fr/classement
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